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Environnement

Dominique Schelcher (Système U) : ‘Nous croyons plus que jamais aux magasins physiques’

By 24 septembre 2019No Comments
Dominique Schelcher (Système U) : 'Nous croyons plus que jamais aux magasins physiques'

© Govin Sorel

Dominique Schelcher, P-dg de Système U, est à la tête du quatrième groupe de distribution français. Après une année 2018 réussie, le dirigeant détaille sa feuille de route concernant les grands chantiers de la coopérative et les enjeux du secteur.

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Vous êtes à la tête de Système U depuis mai 2018. Quel bilan faites-vous de l’année écoulée ?

Système U a confirmé sa croissance dans un marché relativement difficile et en pleine mutation. 2018 s’est bien terminée pour le groupement avec un chiffre d’affaires de 19,94 milliards d’euros, en hausse de 2,3%, et ce début d’année 2019 se poursuit sur la même tendance. Cela prouve la résilience de notre modèle.

Vous évoquez un marché difficile. Quelle est votre lecture des grands enjeux actuels ?

Nous devons conserver notre dynamique de chiffre d’affaires et de prise de part de marché. Pour cela, nous mettons en oeuvre une politique commerciale en adéquation avec les attentes de nos clients. Durant 40 ans, le modèle de la grande distribution était basé sur un système de massification, où les produits étaient très standardisés et la relation avec le consommateur très déshumanisée. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans un nouveau cycle où le client est extrêmement informé grâce aux nouveaux outils de communication. Il souhaite plus de personnalisation et s’attend à ce que nous prenions en compte ses besoins. Il veut une relation différente, plus humaine. Notre enjeu est de répondre à ces clients qui ont évolué sur fond de technologies de plus en plus prégnantes. Néanmoins, nous sommes à la recherche d’une technologie qui s’efface au service d’une bonne expérience client. Les clients ont aussi des attentes sociétales majeures: ils veulent être rassurés par ce qu’ils mangent, avoir accès à des produits bio et locaux… Depuis dix ans, nous avons entamé un travail en profondeur d’élimination de substances controversées de nos recettes.

L’e-commerce alimentaire devient un nouvel enjeu de conquête pour la grande distribution. Quelle est sa place dans votre stratégie globale ?

Un commerçant qui ne propose pas un commerce en ligne performant ne pourra pas résister sur le marché. Chez Système U, nos efforts se concentrent sur le drive alimentaire. Il est individualisé par chaque magasin, ce service en pick and collect est opéré par nos équipes dans les points de vente. À ce jour, nous possédons 750 drive. La livraison à domicile s’effectue essentiellement en zone urbaine. En 2018, le Groupement a réalisé une croissance de 2,3% de notre chiffre d’affaires, tandis que notre activité e-commerce a progressé de 10%. Nous voulons poursuivre cette dynamique. En avril, nous avons lancé une initiative originale à Lyon où dix associés de Système U se sont unis pour créer un entrepôt commun dédié à l’e-commerce alimentaire. Les commandes en ligne sont préparées directement dans cet entrepôt de 3000m2, puis elles sont soit livrées au domicile du client, soit récupérées par celui-ci ou déposées dans un drive piéton (l’un des dix magasins lyonnais).

Vous avez récemment refondu votre site Courses U et votre application U Paiement. Qu’avez-vous souhaité apporter de nouveau ?

Notre ambition est de proposer une expérience client fluide, notamment lors de la préparation des commandes web. Notre précédent site ne permettait pas une vraie personnalisation, nous avons donc renforcé cet axe. Aujourd’hui, lorsque le client réalise une commande en ligne, le moteur de recherche met en avant les produits qu’il achète habituellement. Les promotions et les suggestions d’articles sont aussi poussées en fonction de l’historique de ses commandes. Avec l’application U Paiement, le client peut régler ses courses avec une carte bancaire qu’il a enregistrée ou avec ses points de fidélité (NDLR: 7,5 millions de possesseurs de la carte U). U Paiement propose aussi la dématérialisation du ticket de carte bancaire. Prochainement, l’appli permettra le virement instantané. Nous serons le premier distributeur à le proposer (NDLR: cela supprimera le pourcentage de 0,24% prélevé par les banques). Quant à la dématérialisation du ticket de caisse, elle sera bientôt possible. Ce gain de quelques secondes représente, à grande échelle, des millions de passages par an. Le client bénéficiera, lui, d’une expérience d’achat simplifiée.

« Nous travaillons avec les Gafa, mais nous n’avons pas voulu signer un grand partenariat avec Amazon. »

De plus en plus de distributeurs signent des partenariats avec les Gafa. Qu’en pensez-vous ?

Nous travaillons avec les Gafa, mais nous n’avons pas voulu signer un grand partenariat avec Amazon, par exemple. Nous souhaitons préserver notre trésor que sont nos données. Nous ne voulons pas les partager avec un concurrent, voire un acteur qui peut être considéré comme un « prédateur ». Nous préférons nouer des partenariats avec des acteurs français, notamment des start-up.

Avec quelles armes luttez-vous contre Amazon ?

Nous croyons plus que jamais aux magasins physiques. Les points de vente sont des lieux de vie, nous capitalisons sur le contact humain et notre relation de proximité avec les clients. Dans l’alimentaire, les consommateurs continuent d’apprécier de choisir leur filet de viande, leur poisson, leurs fruits et légumes dans des magasins plutôt que de faire appel à un livreur, à chaque fois différent. La meilleure preuve est le rachat par Amazon de chaînes physiques, comme Whole Foods aux États-Unis, et peut-être demain en Europe. Amazon a compris que, dans l’alimentaire, il a, lui aussi, besoin de relais physiques pour s’étendre.

Comment intégrez-vous les réseaux sociaux dans votre stratégie ?

Nous sommes le premier distributeur en France en nombre de pages Facebook créées dans l’alimentaire. 850 de nos magasins possèdent une page sur le réseau social, où nous présentons les coulisses des points de vente, les animations en cours… La communication via les réseaux sociaux renforce la proximité avec nos clients. Depuis janvier, nous déployons le projet U Ambassadeurs, où nous mettons en avant des patrons de magasins et les pratiques qu’ils ont mises en place, comme leur relation avec les fournisseurs locaux, la façon dont ils recrutent, leur management… Ce programme crée un fort taux d’engagement sur les réseaux sociaux. C’est aussi un moyen de promouvoir notre marque employeur pour inciter des adhérents à rejoindre notre Groupement. Enfin, en tant que dirigeant de l’entreprise, je relaie sur les réseaux sociaux les grandes positions de Système U et nos engagements sociétaux.

Le commerce vocal est considéré comme la prochaine révolution dans votre secteur. Allez-vous vous lancer ?

Nous sommes en phase de réflexion. Les expériences de nos confrères démontrent que le commerce vocal est, pour l’instant, un micromarché et cela concerne des micro-utilisations. Les investissements étant lourds, nous préférons attendre que la technologie soit mûre et qu’elle ait un sens pour nos clients. Nous nous lancerons dans le commerce vocal quand il sera adopté par une grande partie des consommateurs. Toutefois, la dernière version de notre application U Paiement offre déjà la possibilité de dicter sa liste de courses à la commande vocale.

Nous nous lancerons dans le commerce vocal quand il sera adopté par une grande partie des consommateurs.

Quelles sont les technologies qui vous paraissent les plus prometteuses dans le retail ?

L’intelligence artificielle au service d’une meilleure préparation des commandes est un sujet très intéressant pour nous. Dans nos entrepôts, nous commençons à utiliser des robots pour automatiser certaines tâches, comme la création des fiches produits de nos fournisseurs. Néanmoins, contrairement à certains de nos confrères, nous avons choisi de ne pas faire d’automatisation. La robotisation chez Système U ne détruit pas d’emplois, elle permet, au contraire, de faire monter en compétence nos collaborateurs en pilotant ces nouvelles installations.

Comment gérez-vous la logistique, notamment depuis la création de U Log, en avril 2016 ? Y a-t-il eu des évolutions ?

Avant, nous avions une logistique différente dans nos quatre régions historiques. Avec U Log, nous sommes passés à une seule structure unifiée rassemblant une trentaine de sites. Cela nous permet d’avoir une vision centralisée de nos investissements et une capacité plus forte, sur cinq ans. Dans la logistique, notre priorité reste la robotisation de nos entrepôts. Par ailleurs, depuis quelques années, nous assistons à une pénurie de chauffeurs. Aussi nous procédons à une meilleure optimisation de nos transports. Par exemple, nous limitons le nombre de camions à vide sur les routes, en récupérant la marchandise directement chez les industriels pour l’apporter dans nos entrepôts.

Vous avez lancé en septembre 2018 votre appli « Y’a quoi dedans ». Quel est le premier bilan ?

À ce jour, plus de 300 000 téléchargements de notre application ont été réalisés. En notoriété, « Y’a quoi dedans » est la deuxième appli du marché. L’idée est de répondre à cette préoccupation -et méfiance- du client sur le contenu de son assiette. Près de deux tiers des consommateurs s’interrogent sur les ingrédients et la qualité des produits. Dans les rayons, de plus en plus de clients scrutent les articles, regardent les recettes et sortent leur téléphone pour compléter les informations. Nous voulions leur proposer un outil qui porte sur la totalité des produits du marché afin de leur permettre d’en comprendre la composition.

Le retail se transforme. Quelles sont les implications RH dans vos métiers ?

Nous avons renforcé sensiblement nos plans de formation et nos moyens. Les métiers changent, évoluent, faisant plus appel à la technique ou à la technologie. Nous avons mis en place un important projet de formation et d’amélioration de la relation client baptisé Peps. Dans ce programme, nous proposons de l’e-learning, des sessions de formation physique pour enrichir le relationnel avec le client.

Enfin qu’a changé la loi EGalim* pour Système U ?

Nous essayons de résoudre une équation complexe chez Système U. Nous avons été respectueux de la loi en augmentant le prix d’un certain nombre de très grandes marques. Néanmoins, nous faisons face à une vraie tension sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Nous avons donc cherché des compensations pour nos clients en faisant des efforts sur nos marques distributeur. Nous avons veillé à ce que l’impact pour les consommateurs reste faible. Parallèlement, nous avons signé, lors des négociations avec les industriels pour 2019, des acceptations de hausses de prix, pour que la valeur acceptée retourne à l’agriculteur. Le sujet de la loi EGalim est bien la revalorisation des revenus du monde agricole. Nous avons clairement un avant et un après EGalim. Les lignes bougent progressivement.

* La loi EGalim a pour objectifs de rémunérer plus équitablement les producteurs, et de promouvoir une consommation plus saine et durable.

Son parcours

Né en 1971, Dominique Schelcher est diplômé de l’École supérieure des sciences commerciales d’Angers. Il commence sa carrière comme responsable marketing et commercial du journal L’Alsace, avant de rejoindre en 1998 le Super U familial à Fessenheim. Il en devient le directeur en 2004. Au sein de la coopérative Système U, il exerce différents postes: dirigeant de la centrale régionale Est, dirigeant de la branche informatique baptisée Iris et administrateur national de Système U.

Mai 2018 : Il succède officiellement à Serge Papin au poste de P-dg de Système U, pour un mandat renouvelable de six ans.

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