Skip to main content

Passer trop de temps devant un écran nuirait au bien-être des adolescents. Une étude menée par des chercheurs en psychologie à l’Université d’Oxford infirme cette idée reçue.

Scroller Instagram au réveil, parler à ses amis via Snapchat au déjeuner, jouer avant de s’endormir. C’est, peu ou prou, la journée type d’un ado rythmée par son smartphone. Et c’est loin de plaire aux parents, persuadés que trop de temps passé devant un écran nuit à l’équilibre mental des plus jeunes. Le précepte fait consensus. Jusqu’aux CEO de la tech qui privent leurs enfants de tablettes et smartphones. Une étude de grande ampleur menée par deux chercheurs en psychologie de l’Université d’Oxford et publiée le 5 avril 2019 dans la revue Psychological Science dément cette idée reçue.

Andrew Przybylsk et Amy Orben ont évalué les pratiques de 17 000 adolescents dans trois pays : États-Unis, Irlande et Royaume-Uni. Ils n’ont pas trouvé de preuve suffisante permettant de confirmer le lien entre surexposition aux écrans (télé, tablette et smartphone) et moral des participants. La corrélation statistique est infime, estiment les chercheurs. Le temps d’écran ne compterait que pour 0,1 % ou 0,8 % (selon la méthode statistique utilisée) de la variation du bien-être des adolescents.

Pourquoi les écrans plomberaient le moral 

On entend souvent que consulter un écran avant de dormir serait plus néfaste que pendant la journée. Une croyance relayée par de précédentes études scientifiques affirmant qu’il existerait bien un rapport entre temps d’écran et moral des adolescents. Fin 2018, une étude publiée dans Preventive Medecine estimait que les enfants (de moins de 17 ans) qui regardaient un écran plus de sept heures par jour présentaient deux fois plus de risques de développer une dépression, un trouble anxieux ou un manque de confiance en eux. Ces conclusions sont partagées par certains praticiens. Le docteur Anne-Lise Ducanda perçoit la surexposition aux écrans comme une priorité de santé publique car elle peut entraîner de sérieux troubles du comportement.

Par ailleurs, les applications favorites des ados – Instagram en tête – accentueraient leur mal-être. Dès lors, il est facile d’établir un lien entre dépression et temps d’écran.

Un problème de méthodologie 

Les chercheurs d’Oxford avancent que les méthodologies employées par la plupart des précédentes études ne sont pas suffisamment précises et transparentes. « Beaucoup s’appuient essentiellement sur de l’auto-évaluation rétrospective (demander aux participants : combien d’heures utilisez-vous votre smartphone par jour ? par exemple, Ndlr) alors que des études ont montré que seul un tiers des participants donne un relevé juste de ses habitudes numériques », expliquent les chercheurs dans un communiqué.

Eux se sont appuyés sur une auto-évaluation rétrospective, ainsi que sur un suivi quotidien du temps passé derrière les écrans. Les sujets de l’étude devaient renseigner leur temps d’écran toutes les heures dans un journal. De quoi obtenir, selon eux, des données bien plus précises. Pour évaluer le moral des adolescents, les chercheurs ont utilisé des questionnaires mesurant symptômes dépressifs, estime de soi, et comportements psycho-sociaux, renseignés par les adolescents eux-mêmes et leurs parents (ou adulte référent).

Pas assez de données, trop d’opinions

« La controverse autour du lien entre moral des adolescents et temps passé devant un écran souffre d’un excès d’opinions et d’un manque de données. Cet article scientifique corrige ce déséquilibre », estime le Dr Max Davie du Royal College of Paediatrics à l’Independant. Le docteur n’a pas participé à l’étude, précise le journal britannique.

À noter que cette étude ne mesure « que » l’effet du temps passé devant un écran. Elle ne s’intéresse pas aux contenus regardés par les ados. C’est l’une des limites de la recherche, selon le Dr Bernadka Dubicka, directrice de la faculté pour enfants et adolescents du Royal College of Psychiatrists interrogée par le quotidien The Guardian. « Nous savons que les écrans ne sont pas le principal déclencheur des maladies mentales. Mais les contenus dangereux en ligne ont un impact énorme sur leur santé mentale. »

Qu’en est-il pour les jeunes enfants ? 

Autre limite : l’étude s’intéresse aux adolescents et pré-adolescents, pas aux très jeunes enfants. Aucun participant n’a moins de 8 ans. Or les soupçons de troubles du comportement liés aux écrans pèsent le plus envers les enfants de moins de trois ans. En 2017, des médecins et professionnels de santé avait tiré la sonnette d’alarme avec une tribune publiée dans Le Monde. Mais là encore, sans preuve statistique, il est difficile de se prononcer. 

POUR ALLER PLUS LOIN

« La surexposition aux écrans accentue des faiblesses déjà présentes chez l’enfant »

> Les familles passent plus de temps ensemble… mais derrière leurs écrans

> Surexposition aux écrans : comment accompagner les enfants