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Importé de la Silicon Valley, le poste de User Researcher commence à essaimer au sein de la French Tech. Son rôle ? Identifier les problèmes des utilisateurs pour construire un produit plus adapté à leurs usages et à leurs attentes.

Depuis quelques mois, la recherche appliquée a les faveurs des plus grandes scale-up françaises. De ManoMano à Doctolib, en passant par Trainline, l’hyper-croissance s’est accompagnée d’un besoin de reconnecter avec les utilisateurs. Nouvelles fonctionnalités, nouvelles technologies, nouveaux designs… les produits se complexifient au fil du temps. Cette stratification contribue à babéliser le rapport des utilisateurs au produit, au risque de l’en aliéner. C’est là qu’intervient le User Researcher, le yang de l’UX Designer, qui étudie et retranscrit les comportements des utilisateurs pour offrir la meilleure expérience possible. 

Les retours terrain récoltés ça et là permettent de maintenir un lien avec les utilisateurs, mais ils demeurent trop parcellaires pour dégager des résultats pérennes. La parade ? L’allocation de ressources dédiées, à temps plein. « L’arrivée de ces expertises niches intervient à un certain stade de développement de l’entreprise », explique Adrien Talal, User Researcher chez Doctolib (ndlr : qui vient de rejoindre le club très fermé des licornes françaises). Un stade de maturité où il devient urgent de dissocier dépositaires de la roadmap des praticiens de la recherche.

Scientificité de l’approche utilisateur

S’assurer que la recherche est hermétique aux logiques de priorisation produit, c’est la première garantie de non-compromission des enseignements qu’on en tire. « Beaucoup de boîtes se plantent parce qu’elles sont juges et parties », témoigne Chloé Martinot, User Researcher chez ManoMano. Consentir une fonction dédiée c’est aussi se préserver du biais de confirmation. « Les Product Managers ont tendance à confirmer ce qu’ils savent déjà plutôt que d’apprendre de nouvelles choses », justifie Chloé Martinot. Le User Researcher est impartial car il n’est pas garant de la solution trouvée, mais uniquement du bon problème à adresser.

« Qu’importe que ce soit la feature A, B ou C qui est mise en place, ce qui m’intéresse c’est de savoir si le problème persiste », développe Chloé Martinot. Un agnosticisme nécessaire pour vérifier que le problème n’est pas « simplement déplacé », ajoute-t-elle. Recrutement des utilisateurs, écriture des guides d’entretien, conduite de focus groupes, retranscription des résultats… témoignent d’une démarche plus normée pour assurer la validité de l’analyse et se faire la voix non altérée des utilisateurs. Hors de la temporalité des sprints, la méthodologie de la recherche permet de faire émerger des enseignements fiables. « Ce n’est pas un process « plug and play » : une bonne recherche est une recherche continue », commente Chloé Martinot. 

Concrètement, le User Researcher intervient très en amont des projets. Il accompagne toutes les phases de prototypage et nourrit les designers de retours utilisateurs donnant de précieuses indications sur ce qui dysfonctionne. Il est également sollicité sur la qualification des utilisateurs. Dans le cas de Doctolib, une compréhension fine des besoins de chaque type de praticiens offre de riches perspectives de personnalisation : « Entre un kiné et une généraliste, les enjeux et les besoins ne sont pas nécessairement les mêmes », illustre Adrien Talal.

De nouveaux débouchés pour les sciences humaines

Avec la croissance du nombre de scale-up, le métier va exploser dans les années à venir. « Les Product Managers n’ont pas le temps, les designers non plus, les demandes d’exécution sont de plus en plus intenses… », explique Chloé Martinot avant de prendre l’exemple de Facebook qui compte déjà dans ses équipes « un Researcher pour deux Feature teams. » Face à la technicisation des profils de Product Managers, souvent ingénieurs de formation, de nouveaux débouchés apparaissent pour les sciences humaines (sociologie, ethnologie, anthropologie…) – souvent mises au ban des entreprises au profit des sciences dites « dures ».

La récence du métier rend la pratique encore isolée. « On se sent un peu seuls, notamment en France », concède Adrien Talal. L’intégration de la recherche aux équipes Produit n’est pourtant pas une idée neuve. Courant 2012, Intercom se penchait déjà sur la question. Depuis, quelques initiatives commencent à poindre : ResearchOps, avec ses ateliers destinés à faciliter la pratique (recrutement, légal, technique…). Quelques boucles de mails dessinent les contours d’une communauté naissante. « Je passe encore une bonne partie de mon temps à expliquer ce qu’est mon métier », confie Adrien Talal. Plus pour très longtemps, promis.

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