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Buzzword s’il en est, l’UX est de tous les discours, souvent dans un sens restrictif. Tour d’horizon des convergences et synergies avec la communication pour élargir le champ de vision et peaufiner les pratiques.

On parlait hier d’ergonomie, l’UX est désormais sur toutes les lèvres, au point que l’on se dispense souvent de lui accoler le terme « design », qualifiant par ses deux lettres à la fois l’expérience de l’utilisateur ET les savoir-faire qui visent à l’optimiser. Alors que les deux prennent parfois des chemins différents.

L’UX [design] est un métier : on
ne s’improvisera pas expert, mais mieux vaut se doter d’une culture générale et
adopter un état d’esprit tant les enjeux sont cruciaux et les champs d’application
multiples.

Au-delà des sites et des « applis »

Donald Norman, à qui l’on doit la diffusion de l’expression d’ UX alors qu’il travaillait chez Apple dans les années 90 s’insurge dans cette courte vidéo contre son utilisation restrictive.

Beaucoup emploient le terme UX pour parler de l’apparence d’un site ou d’une appli alors que la définition  ISO (9241-210) inclut les « interactions avec les produit, service, environnement ou établissement ». Aujourd’hui, on pourrait y ajouter la marque, l’entreprise ou l’institution. Au-delà des points contacts physiques ou digitaux, l’expérience se diffuse et s’étire dans le temps, au point de tendre vers la relation, objet de toutes les attentions des communicants.

Autre approche, selon le modèle VPTCS mis au point par Elie Sloim et Eric Gateau dès 2001 pour définir la qualité web,  l’UX concerne les 5 catégories d’attentes des utilisateurs à l’égard d’un site, avant, pendant et après leur visite :

  • Visibilité : être rencontré par ses utilisateurs (référencement, webmarketing, communication)
  • Perception : être utilisable et correctement perçu par ses utilisateurs (ergonomie, accessibilité, webdesign…)
  • Technique : fonctionner correctement
  • Contenus : délivrer de l’information de qualité (stratégie de contenu, rédaction, traduction)
  • Services : proposer, accompagner générer la réalisation de services de qualité.

L’intégration des contenus et de la technique au sein de l’User Experience peut étonner, et de plus en plus de services s’effectuent dès la visite. Pourtant constituant, comme ces derniers, la raison qui amène un internaute sur un site, les contenus figurent forcément au coeur de l’expérience. Quant à la technique, l’agacement qui nous envahit dès qu’un bug fâcheux empêche de finaliser une tâche en ligne montre bien son impact.

Centré sur le web,  le modèle VPTCS milite pour la transversalité et anticipe les approches omnicanales et 360° tant vantées depuis. On mesure à quel point les recoupements et convergences sont multiples avec la communication.

Conception centrée utilisateurs et  co-construction

La conception utilisateur au cœur de l’UX design constitue un préalable pour introduire la co-construction, aujourd’hui incontournable pour faire évoluer les sites ou applis en impliquant les publics concernés à chaque stade.

De plus en plus d’acteurs font appel à des agences d’UX design ou recrutent des designers et adoptent les méthodes agiles et leurs cycles d’itération courts : recueil des attentes en amont, réalisation très tôt de prototypes soumis aux utilisateurs pour vite prendre en compte leur retour au sein d’un nouveau prototype et ainsi de suite…

Dans les agences ou équipes de com’, la créa en prend parfois pour son grade, il faut savoir accepter de voir son idée géniale retoquée par les utilisateurs sans perdre sa capacité d’inspiration. Mais aussi parfois faire preuve d’audace pour affirmer les singularités de la marque ou oser des choix novateurs « Moins de tests plus de testicules » disait déjà Jacques Seguela en 1985. Savant dosage !

Des méthodes et outils indispensables

On ne la remerciera jamais assez l’UX pour l’empathie insufflée par ses Personas, portraits – robots mais tellement humains – sans lesquels une stratégie de communication n’en serait pas vraiment une ; on lui doit aussi bien d’autres outils ou méthodes qui font – ou devraient faire – le quotidien des équipes de communication. Et pas seulement quand elles travaillent à la conception ou refonte d’un site ou d’une appli.

Sans être exhaustive, la User Experience Treasure Map ci-dessus donne une idée de leur variété et de leur utilité. A commencer par les stories ou scenarios utilisateurs qui donnent vie aux Personas en leur associant des attentes, des actions et des contextes : à développer sur la base du webanalytics pour aider à définir ou peaufiner les rythmes, timing et formats à même de délivrer le bon contenu au bon moment en contextualisant.

Choisir les interfaces pertinentes

Les contenus deviennent « serviciels », la mue des sites de service public pour faciliter les démarches pratico-pratiques des usagers en témoigne, à l’image de celui de Rennes métropole. Ils sont aussi expérientiels et conversationnels, protéiformes et personnalisés, atomisés et longs, ludiques et sérieux, visuels et vocaux… Il s’agit bien de designer le futur dispositif de communication qui déclinera de façon fluide et consistante la présence de la marque à travers ses multiples points de contact.

La diversification des interfaces avec les publics, et notamment la déferlante du vocal, bientôt talonnée par l’internet des objets, nous font parfois oublier que tous les modes d’interaction ne sont pas adaptés à tous les contextes ou attentes.

A partir d’exemples concrets et parlants, Amélie Boucher explore, dans cette conférence à Paris Web 2018, les possibilités mais aussi les limites des agents conversationnels : gêne et irritation qu’on a tous connu en peinant à se faire comprendre par un serveur vocal récalcitrant, incapacité des enceintes intelligentes à balayer un grand nombre de choix, qui risque de nous faire toujours consommer les mêmes produits ou écouter les seuls morceaux de musique auxquels on pense spontanément… pour ne citer que ces deux-là. Une approche pragmatique bienvenue parmi les engouements médiatiques qui voudraient nous faire croire que tout s’exprimera désormais par la voix.

Quand l’UX passe par des mots

Si on s’obstine encore parfois à cantonner l’UX design à l’interface, voir au graphisme, il n’en est pas de même outre-atlantique. Un coup d’œil sur les articles régulièrement publiés par le Nielsen Norman Group, précurseur et leader dans le domaine, suffit pour se convaincre de l’importance de l’éditorial en  matière d’UX : entre design thinking, parallax et gestion des erreurs, on y parle « Tone of voice », niveau de langage, écriture pour des audiences expertes, pyramide inversée… le tout dans un anglais limpide.

Ici, les lignes bougent : de plus en plus de spécialistes UX travaillent de concert avec les journalistes au sein des rédactions. A l’occasion du colloque organisé par l’association Kontnü,  le designer freelance Nicolas Mantran indiquait:

« J’ai peu à peu pris conscience de l’importance des compétences rédactionnelles dans mon métier. Garants de la hiérarchie de l’information, de la navigation et de l’ergonomie des interfaces, une grande responsabilité éditoriale repose sur les épaules des designers : UI, identité de marque et conseil éditorial sont indissociables. »

Certains consultants  incontournables en matière l’éditoriale développent aussi un savoir–faire pointu en ergonomie et UX relayé régulièrement via leurs – excellents – blogs et comptes Twitter sur le sujet : je pense en particulier à @jeanmarc_hardy de yellowdolphins.com et @choblab de choblab.com … Que les autres me pardonnent et se manifestent ?

Consistant à optimiser les micro-contenus (libellés, confirmations, messages d’erreurs…) pour faciliter la tâche à l’utilisateur des applications ecommerce, transactionnel ou métier,  l’UX writing connait un fort développement au point de devenir un métier. Et pour cause ! Permettant aussi la navigation, ces mots judicieusement choisis s’avèrent déterminants pour une expérience fluide et agréable ou à l’inverse, laborieuse et dissuasive. Ils donnent aussi une ambiance au site. Avec un ton à trouver en accord avec la personnalité de la marque et de fortes exigences de concision, clarté ou hiérarchie des infos – Tiens, tiens, cela ne vous rappelle rien ? – c’est une excellente école rédactionnelle. La Fnac, Innocent, La ruche qui dit oui, Acricool ou bien d’autres soignent ces micro-contenus qui n’ont l’air de rien mais jouent pour beaucoup et méritent le coup d’œil pour dynamiser les plumes.

Changement de posture, bien-au-delà des mots, considérer ceux que l’on appelait jadis les cibles [ ! ] puis publics ou parties prenantes comme des utilisateurs revient à les placer au cœur de nos dispositifs : salutaire et indispensable, y compris pour servir les objectifs des entreprises ou institutions.

Et la communication a un rôle clé à jouer pour enrichir et fluidifier cette expérience-relation déclinée en CX (pour les clients), EX (pour les collaborateurs) sans oublier les influenceurs, journalistes, candidats, partenaires, actionnaires… L’expérience ne fait que commencer !

A suivre : Des pédagogues de l’UX (liste non exhaustive, bien sûr) :

https://www.usabilis.com/blog/

https://wexperience.fr/blog/

https://www.axance.fr/blog/

https://medium.com/@marina.wiesel

https://choblab.com/

Crédit photo : Bia Andrade on Unsplash

Muriel Gani
Consultante en stratégie éditoriale et écrits digitaux, je conseille et rédige pour simplifier – autant que faire se peut mais pas plus – la complexité dans laquelle mes clients évoluent. Je sévis aussi à l’animation éditoriale de ce blog – Les Eclaireurs de la Com’ – et suis l’auteure de « Ecrire pour le web, la boite à outils » paru chez Dunod en 2018.